Préface de Monsieur Ahmadou Al Aminou Lo
Ministre Secrétaire général du Gouvernement du Sénégal – Ancien Secrétaire général de la BCEAO – Ancien Directeur national de la BCEAO pour le Sénégal
Les transactions commerciales ont constitué depuis l’antiquité l’une des formes les plus pacifiques d’interactions humaines au sein d’un même groupe social ou entre des communautés aux côtés des relations matrimoniales. D’abord sous la forme de trocs, les transactions commerciales se sont intensifiées avec l’introduction de la monnaie, qui a facilité ces transactions en servant d’étalon de valeur et d’intermédiaire dans les échanges.
Dans sa forme rudimentaire de troc comme dans l’usage d’une valeur monétaire, la confiance entre les commerçants ou entre le consommateur et le vendeur, aboutissait au fil de la connaissance réciproque, à différer le paiement par l’acheteur pour des raisons diverses. Ces raisons pouvaient aller de l’incapacité de l’acheteur, au moment de la conclusion de la transaction, de s’acquitter de la valeur monétaire pour mauvaise fortune ou d’une stratégie du vendeur de fidéliser l’acheteur. Cela suppose que l’acheteur a du « crédit » aux yeux du vendeur, c’est-à-dire qu’il est digne de confiance.
Le crédit s’avère donc être une pratique qui a toujours rythmé la vie sociale des communautés humaines, avec des codes sociaux différents d’une communauté à l’autre. De la parole donnée, à la confiance garantie par un tiers, à la remise d’un bien meuble ou immobilier en garantie du paiement, les sociétés humaines ont su encadrer ce « crédit » pour protéger le créancier.
L’introduction de la monnaie fiduciaire dans les échanges commerciaux a grandement facilité la valorisation des mécanismes de garantie.
L’avènement des banques et leur capacité à fidéliser des déposants dans leurs livres pour ensuite prêter les fonds déposés à des agents économiques ayant des besoins de financement, ont considérablement élargi la sphère de l’application de la confiance dans les transactions. Les banques ont eu recours aux mêmes procédés d’encadrement des garanties sur le crédit que les opérations commerciales, en s’attelant à assurer une harmonisation et une standardisation de plus en plus poussée et perfectionnée au fur et à mesure de l‘augmentation de leur nombre ainsi que de la valeur unitaire et globale des transactions, de la diversification des opérations dans leurs natures, leurs objets et leur caractère transfrontalier.
L’accélération de la mondialisation dans le domaine commercial, puis dans sa dimension financière, a introduit de la fluidité dans les échanges domestiques et internationaux tout en entraînant plus de complexité dans la protection des droits des banques en leur qualité de créanciers. Cette protection est indispensable à la stabilité financière, c’est à dire à la préservation des dépôts de la clientèle des banques.
La Banque des Règlements internationaux (BRI), chargée de cette mission de stabilité financière mondiale, publie ainsi périodiquement des normes dites de Bâle pour régir les règles de gestion des risques auxquels les institutions financières sont exposées, au premier rang desquels se trouve le risque de crédit. Des règles strictes de techniques d’atténuation du risque de crédit, au travers des sûretés personnelles et réelles, sont établies au travers les normes dites de Bâle[1].
Dans l’espace francophone africain, les États membres de l’Union monétaire Ouest africaine (UMOA) et de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) constituent des blocs d’intégration monétaire, bancaire et financière qui ont particulièrement besoin de cadres harmonisés pour consolider les espaces unifiés de services bancaires qu’offrent ces regroupements.
En matière de normalisation des sûretés adossées aux crédits bancaires, l’UMOA et la CEMAC, au travers de leurs banques centrales respectives, à savoir la BCEAO et la BEAC et des commissions de supervision de l’activité bancaire dans ces deux zones, ont grandement bénéficié de l’appartenance de leurs pays membres à l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA).
L’OHADA offre à ces pays un régime juridique harmonisé qui complète et renforce l’harmonisation des règles régissant l’activité bancaire et financière.
Ce régime mérite d’être vulgarisé au sein des banques pour une appropriation complète par leurs agents impliqués dans l’ensemble des activités du processus d’octroi de crédit pour, d’une part, faciliter l’affinement du choix des sûretés appropriées selon le client et l’opération et, d’autre part, atténuer les risques juridiques attachés à une incomplétude ou inexactitude documentaire.
En passant en revue, dans un langage accessible et une documentation fournie, les différents aspects du droit et de la pratique du crédit et des garanties bancaires dans l’espace OHADA, l’auteur du présent livre, Monsieur Ibrahima NDIAYE, fait preuve d’une approche originale éclairée par son expérience professionnelle au sein d’une banque en qualité de juriste pendant plusieurs années.
L’objectif pédagogique et initiatique est facilité par des rappels sur la typologie des crédits bancaires qui fait du livre un document global de droit bancaire. L’originalité à relever dans ce domaine est constitué par les propositions de conventions types d’actes de crédit que j’invite les Associations professionnelles de banques d’établissements financiers (APBEF) de l’Union à retenir comme une base concrète de la pacification des relations avec leur clientèle sur laquelle j’avais toujours insisté auprès de l’APBEF du Sénégal en ma qualité de Directeur national de la BCEAO pour le Sénégal.
Les explications détaillées sur les différents aspects de l’Acte uniforme de l’OHADA sur les sûretés offrent des informations structurées pour une bonne maîtrise des types, de l’organisation et de la formalisation des sûretés. Ce dernier aspect mérite d’être salué par l’effort de l’auteur consistant à proposer également des compléments aux modèles d’actes contenus dans le Guide du RCCM pour garantir la protection réciproque des droits des parties.
Je salue ce travail de qualité, par sa forme de Compendium, fort utile aux agents de toutes les parties intéressées de l’écosystème bancaire et financier travaillant dans le domaine des sûretés, notamment à la BCEAO, la BEAC, les Secrétariats généraux des Commissions bancaires de l’UMOA et de la BEAC, les établissements de crédit y compris les institutions de microfinance.
Je recommande à l’auteur de nous revenir prochainement par une nouvelle édition en abordant, à titre complémentaire, l’analyse de l’applicabilité de l’Acte uniforme de l’OHADA sur les sûretés à la Finance islamique (banques et institutions de microfinance). Ce segment de marché présente des opportunités considérables de développement notamment au Sénégal, au regard des caractéristiques sociologiques des cibles de renforcement de l’inclusion financière, de l’intérêt manifesté par les nouvelles autorités politiques du Sénégal pour ce type de financement alternatif et des innovations majeures relatives à ce segment de marché introduites récemment par la BCEAO dans les lois portant réglementation bancaire et de la microfinance.
L’urgence de ce thème est à souligner, au regard de la nécessité de doter les praticiens du droit, notamment les tribunaux de commerce, d’un document de référence sur le droit bancaire islamique et en particulier celui des sûretés d’une complexité particulière au regard de l’importance accordée par la Finance islamique au cadre documentaire
Ahmadou Al Aminou LO
Ministre, Secrétaire général du Gouvernement du Sénégal
Ancien Secrétaire général de la BCEAO
Ancien Directeur national de la BCEAO pour le Sénégal
[1] Voir les règles de Bâle 1, Bâle 2, Bâle 3